Interview de Maxime Williams
Propos recueilli
le dimanche 9 février 2003 par Frédéric Denesle
" Le 5ème Règne " vient d'être
couronné du prix littéraire Fantastic'arts de Gerardmer par un jury composé pour
cette année 2OO3 de Jacques Baudou, Marc Caro, Yann Moix et Bernard Werber.
Pouvez-vous nous parler de votre roman ?
Maxime Williams : L'histoire est celle d'une bande d'adolescents qui vivent dans
une petite bourgade tranquille de nouvelle Angleterre aux USA. Les cinq personnages
vont trouver dans un grenier un vieux grimoire poussiéreux au contenu qu'ils n'auraient
jamais dû lire : subitement des phénomènes très étranges vont apparaître dans la petite
ville. En parallèle, le shérif enquête sur une succession de disparitions et de meurtres
d'enfants… comment les choses sont liées, que contient le livre, pourquoi ces meurtres…
au fil des pages et des orages se lève le mystère.
" Le 5ème Règne " est avant tout un thriller, une intrigue policière auréolée de fantastique.
C'est également une ode à l'enfance et à l'adolescence, à cette magie qui nous entoure et qu'on
finit par ne plus voir et oublier.
Pourquoi avoir choisi d'écrire du fantastique et situé l'intrigue aux U.S.A.
?
C'est plutôt le fantastique qui m'a choisi. Les premiers romans que j'ai lus étaient
d'auteurs fantastiques comme Vance, Lovecraft, Tolkien, King. Ensuite des films
comme Stand by me, Ça ou Les Goonies ont renforcé mes goûts en la matière. L'avantage
du fantastique : sa seule limite est l'imaginaire ! Dans ce domaine, je peux créer
ce que je veux. En revanche, j'aime les choses carrées et structurées et ne voudrais
en aucun cas dire aux lecteurs : " voilà, c'est du fantastique alors il faut l'accepter
comme ça ! ".
Non, j'essaie plutôt de lui donner un sens. Avec le coté thriller, je joue des
tours de passe-passe au lecteur et le fantastique me permet, par exemple, de lui
prendre la main pour l'emmener dans une grande forêt sombre et lui susurrer au
creux de l'oreille : qu'y a-t-il derrière les ombres, que va-t-il en jaillir…
et quand ?
En ce qui concerne les U.S.A., d'abord parce que la majeure partie de mes références
citées précédemment sont américaines. Ensuite je pense que les U.S.A. sont un
miroir du monde dans tous ses excès, tout y est démesuré et outrancier, du hamburger
au gratte ciel en passant par l'expression des émotions. Le fantastique s'y intègre
de façon assez simple et normale.
Vous dites que le 5ème Règne est une ode à l'adolescence : avez-vous recréé
l'adolescence que vous auriez aimé avoir ?
Mille fois oui !
A vrai dire, toutes mes histoires sont ce que j'aurais aimé ou aimerais vivre.
Attention, pas tout dans mes histoires : quand je décris des scènes très noires,
bien évidemment, je ne rêve d'être ni le serial killer ni la victime ! (Rire).
Mais mon moteur pour l'écriture, c'est de raconter.
Dans " Le 5éme Règne ", j'ai raconté ce qui me faisait vibrer à cette époque comme,
je crois, beaucoup d'adolescents : chasses au trésor, se faire peur, croire aux
monstres, etc…
Vos personnages sont donc des " Maxime Williams " qui, lui, fuit la réalité
pour vivre dans un monde parallèle ?
Oui et non. C'est vrai que dans mes romans il y a beaucoup de fantasmes de vie
rêvée. Quand j'écris un livre, je me lis une histoire comme avant de dormir, sauf
qu'au moment où je m'endors dans l'écriture je me réveille dans la réalité.
D'autre part, je distille dans tous mes personnages des traits de ma personnalité
: je ne peux pas créer ce que je ne suis pas. D'ailleurs, mes héros sont comme
moi, pas héros du tout, et je les aime fragiles. J'utilise leurs vulnérabilités
et faiblesses, à leur paroxysme lorsque mes personnages souffrent ou meurent,
pour faire dangereusement tanguer la barrière entre fiction et réalité. Mais je
suis au service du récit et non l'inverse. Je n'écris pas au jour le jour en me
laissant guider par l'histoire mais selon une structure très détaillée : chaque
événement est établi à l'avance, aucun acte n'est gratuit mais utile pour le récit.
Je n'ai pas vraiment de recette, juste des ingrédients : beaucoup de documentation
et l'observation de ce qui m'entoure… enfin l'imaginaire pour lier le tout. J'aime,
de plus, noyer dans mes histoires des messages, des notions sur lesquelles je
n'ai pas forcément de réponses, pour inviter le lecteur à réfléchir sur des sujets
qui me sont chers : par exemple la religion ou la notion d'équilibre universel
dans "Le 5ème Règne ".
Pouvez vous nous raconter l'histoire derrière l'histoire, celle de Maxime Williams
qui à décidé un jour d'écrire et réussi, à 26 ans, son idéal : vivre de ses romans
?
Version conte de fée ou thriller ? ! ? !
Alors il était une fois un garçon de 12 ans… A cet age, j'ai basculé (trop vite)
de naïf à lucide, et réfléchi au cynisme de l'existence : la vie n'était pas la
romance d'un livre ou d'un film mais 60 ans de concret, ma vision du monde est
alors devenue très noire. Les années passant, à l'école on me serinait de choisir
un métier : pompier, médecin, informaticien, mais je ne voulais pas me résigner
à un seul et selon les jours je voulais en faire un différent de celui de la veille
pour avoir plusieurs vies différentes, surtout passionnantes ! J'ai donc foncé
prendre des cours de comédie, ce qui me permettait d'incarner plusieurs vies différentes,
clochard, riche, pourri ou drôle, et eu la chance d'avoir des petits rôles auprès
de grands messieurs comme Edouard Molinaro ou Robert Hossein.
En parallèle, j'écrivais énormément. Nouvelles, poésie, même scénario de film
!
Pour le plaisir, sans avoir une réflexion sur le pourquoi. Puis j'ai réalisé que
l'écriture me permettait d'atteindre mon idéal : je pouvais être une foultitude
de personnage dans un même temps, choisir l'époque, le lieu, l'action, tout en
étant le seul maître à bord.
Et un jour, une rencontre : Pierre Hatet. Un ami machiniste lui avait transmis
un des textes que je griffonnais en attendant de monter sur la scène d'" Angélique,
Marquise des anges ". Ce grand comédien m'a engagé de poursuivre dans cette voie
et donné l'envie de coucher sur le papier une pièce de théâtre : " Le Mal ". La
messe était dite : j'ai enchaîné par un récit très autobiographique, une enquête
policière dont le héros porte les même initiales que les miennes, puis par ce
que je considère comme mon premier roman, " Le 5ème Règne ", écrit à 2O ans pour
en quelque sorte faire le deuil de mon adolescence révolue. Ensuite un second,
" l'Ame du Mal ", écrit toutes les nuits après mes journées de libraire à la Fnac
et édité sous un autre nom d'auteur, qui a reçu un accueil fantastique auprès
des lecteurs et le prix Sang d'encre 2OO2.
Ce roman me permet aujourd'hui de vivre mon rêve : écrire tous les jours !
Deux romans édités, deux prix : vous êtes une bête de concours !
(rire) Une bête de chance, oui !
Vous savez, écrire c'est douter. C'est se poser à tout moment la question de savoir
si ce que l'on fait a une petite chance de plaire, d'être lu…
Outre que ces prix me font énormément plaisir, ils m'inclinent à penser que "
je ne pédale pas dans la choucroute ". J'ai la chance d'avoir fait de mon quotidien
mon idéal, la chance d'avoir plein d'envies et d'idées : je serais impardonnable
de ne pas me servir de ces encouragements pour aller encore plus loin, essayer
d'être meilleur dans ce que je fait !
Des projets ?
Dans le domaine du thriller et sous le nom Maxime Chattam, la suite de " l' Âme du mal " sort sur les
tablettes mi-mars : " In Ténebris ". Le troisième volet de ce cycle est en cours d'écriture.
Williams, quand à lui, à prévu de se plonger dans un cycle de cinq thrillers historiques dont toute la
structure est déjà gravée dans le marbre et la moitié du premier volume écrit. Ce cycle est un hommage
à Conan Doyle mais… je n'en dirais pas plus.
D'autre part, étant un grand cinéphile, j'écris depuis longtemps des moutures de scénarios de film que
j'ai ressorti des tiroirs pour les retravailler…
Vous avez une attirance vers le cinéma, la réciproque est-elle vrai ?
Des contacts mais …Chuut !
Propos recueillis le dimanche 9 février 2003 par Frédéric Denesle